Approches féministes en Relations Internationales : paix et diplomatie

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04 décembre 2023
En septembre dernier, la Faculté de Droit et le C3RD de l'Université Catholique de Lille accueillaient la masterclass Global Actors for Peace avec comme thème "Unpacking Women’s role". Pendant une semaine, les échanges ont porté sur l’importance du rôle des femmes dans le maintien de la paix. Dans le paysage des Relations Internationales, l'écho de l'approche féministe résonne comme une ambition à concrétiser. Imaginée pour essayer de répondre aux failles de l'inégalité de genre, cette perspective émerge comme une clé essentielle dans l'arène diplomatique mondiale.
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©Université Catholique de Lille

Egalité de genre et construction de la paix 

Les femmes ont toujours été invisibilisées dans l’histoire du droit international. En novembre 2021, les femmes représentaient seulement 5,6 % des contingents militaires et 19,57 % des experts militaires, observateurs militaires et officiers d'état-major. Bien que des conventions telles que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) existent pour protéger les droits des femmes, elles demeurent souvent inefficaces. Notamment en l'absence d'une interdiction explicite des violences contre les femmes au sein de la famille. Pendant longtemps la vie familiale n’était pas régulée alors que le foyer est vecteur de violences domestiques. Christine Chinkin et Louise Arimatsu, professeures à la London School of Economics, ont émis une critique fondamentale à l'égard de ces conventions. Celles-ci mettent en avant la protection des femmes principalement en fonction de leur rôle conjugal ou maternel, plutôt que leur valeur intrinsèque et le fait qu'elles soient les cibles à part entière de violences sexistes.  

L'opinion répandue voudrait que les femmes équivaillent à la paix, tandis que les hommes incarneraient davantage le spectre de la guerre. Cette valorisation de la participation des femmes en Relations Internationales s'appuie sur l'idée que les femmes apporteraient des perspectives, des expériences et des capacités spécifiques, qui orienteraient leurs objectifs et modes d'action vers la pacification. Toutefois, il est impératif de déconstruire cette idée pour reconnaître et analyser l'expérience propre des femmes dans les contextes de conflit. Elles ne doivent pas être simplement perçues comme des victimes, mais comme des actrices pleinement engagées. Dans cette optique, ONU Femmes a créé Female Military Officer Course, un programme pour le personnel militaire féminin. Une initiative qui a pour but de permettre des opportunités de progression professionnelle aux femmes militaires. Mais aussi d'accroître la représentation des femmes à tous les niveaux des opérations de maintien de la paix. 

Du 18 au 22 septembre, s’est déroulée la 7e édition de la masterclass Global Actors for Peace organisée par la Faculté de Droit et le C3RD (Centre de Recherche sur les Relations entre le Risque et le Droit) de l'Université Catholique de Lille, avec comme maîtres de conférence Ioannis Panoussis, Valentina Volpe et Sonia Le Gouriellec. Ce programme bilingue (anglais, français) analyse le rôle et le potentiel des acteurs globaux non-étatiques dans la construction d’une paix internationale durable. Le thème cette année “Unpacking Women’s rôle” visait à comprendre le rôle des femmes dans le processus de paix, de justice, l’impact du genre dans les expériences de guerre ou encore les implications d’une diplomatie féministe. Au programme de cette semaine, plusieurs tables rondes et conférences assurées par des spécialistes internationaux des thèmes abordés. L’objectif de la masterclass était de comprendre les mouvements des femmes pour la paix au XXème siècle, mais aussi la place occupée par les grandes figures féminines dans les phénomènes de guerre et de paix.

Paix et diplomatie féministe : quelles implications ?  

Pourquoi a-t-on commencé à réfléchir à une approche féministe des relations internationales ? Camille Bayet, doctorante en science politique et Nicolas Rainaud, responsable plaidoyer France et international chez Equipop, posent ce sujet de réflexion dû à l'absence des femmes dans les sphères décisionnelles. L’exemple le plus marquant est celui des accords de Paris, sur 170 personnes, seulement 15 femmes étaient présentes. Le débat entre positivistes et post positivistes révèle un biais genré inhérent à la conception de la paix en relations internationales. Les féministes ont appelé à une révision du regard traditionnellement masculiniste sur la politique internationale, particulièrement en matière de sécurité. Elles ont plaidé pour une déconstruction du concept de sécurité, invitant à transcender le cadre strictement rationnel de la sécurité en l'appréhendant dans sa globalité, intégrant des composantes sociales et politiques. Ainsi, au-delà de l'étude de l'État et de ses stratégies militaires, la société civile, les organisations internationales et d'autres acteurs sont désormais pris en considération. En adoptant le genre comme catégorie centrale d'analyse, on peut décrypter les structures de domination patriarcale qui persistent sur la scène internationale. 

Sonia Le Gouriellec, Camille Bayet, Nicolas Rainaud lors de la Masterclass Global Actors for Peace
Sonia Le Gouriellec, Camille Bayet, Nicolas Rainaud ©Université Catholique de Lille

La notion de diplomatie féministe constitue une avancée récente au sein des Relations Internationales. Elle a été inaugurée en Suède, puis a trouvé écho au Canada avant de gagner du terrain en France. Il s’agit d’une politique d'un État qui place, au cœur de son action extérieure, l'égalité entre les femmes et les hommes, les droits des femmes, la solidarité avec toutes les femmes, selon le Haut Conseil à l’Egalité. L'implication des femmes dans la construction de la paix ne peut être sous-estimée, d’après La Presse, qui précise que “la participation de femmes à la négociation des accords de paix augmente de 35 % la durabilité et l’efficacité de ceux-ci”. La France s’inscrit dans cette démarche depuis 2018, même si la parité est loin d'être respectée au sein du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères avec 50 femmes sur 179 diplomates. Néanmoins, elle a récemment signé aux Nations Unies, un texte sur la diplomatie française intersectionnelle. Cette dimension permet une approche décentrée de la paix et la sécurité.  

 

Rokhaya CORREA

 

 

Pour aller plus loin :  

https://www.fld-lille.fr/masterclass-2023-global-actors-for-peace-unpacking-womens-role/  :  

https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2020/9/28/pourquoi-est-il-crucial-dinclure-les-femmes-dans-les-processus-de-paix 

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