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« Le numérique se divise en plusieurs volets : les data centers (25%), les réseaux (28%) et surtout, les équipements (47%) », lance David Romaric, membre d’éco-info, une structure du CNRS qui accompagne à la réduction de l’empreinte carbone du numérique. Il précise, « pour un data center, on consomme 30 fois plus que dans un logement pour une même surface du fait de la densité des serveurs ». La conception de ces structures est déterminante. « Il faut refroidir les secteurs et, selon le système, il se peut que l’on consomme autant pour refroidir que pour consommer ». Pour les réseaux, avec l’apparition de la 5G, le coût énergétique augmente car elle nécessite davantage d’émetteurs sur le territoire et un maillage réseau plus serré. Une tendance irréversible selon cet ingénieur de recherche, car « on veut communiquer partout et tout le temps ».
De la conception à la fin de vie
L’Ademe et l’Arcep, deux organismes étatiques, ont utilisé la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV) pour déterminer quels sont les impacts environnementaux du numérique. Cette méthode permet d’identifier quelle étape entre la fabrication, l’utilisation et la fin de vie est la plus émettrice. David Romaric répond, « cela dépend ! ». Pour nos équipements, la phase de conception est la plus impactante sur le plan environnemental car elle nécessite beaucoup de ressources pour un temps d’utilisation court. « Rien que pour un ordinateur portable d’1,5kg, environ 1,5 tonne d’eau sont nécessaires ». A l’inverse, la phase d’usage des serveurs est la plus polluante, notamment sur la quantité d’énergie consommée. Ces infrastructures sont couteuses à la fabrication, mais l’utilisation 24h/24h sur plus de sept mois rentabilise davantage les ressources naturelles nécessaires à leur production.
Concrètement, comment fonctionne la méthode ? « On regarde la quantité d’énergie consommée et la pollution générée d’un équipement en fonction de sa durée de vie », explique l’ingénieur. Il ajoute, « cette pollution dépend en grande partie de la source d’énergie de cette électricité ». Et si en France, elle est décarboné au ¾ avec le nucléaire, ce n’est pas le cas dans le reste du monde. L’hexagone pollue indirectement du fait que nos équipements soient fabriqués à l'étranger.
« Privilégier le reconditionnement »
De cette analyse découle une ou deux bonnes pratiques : « prolonger la durée de vie d’un équipement le plus longtemps possible », ou encore « privilégier le reconditionnement avec des sites comme backmarket ou monpcpascher.com ». La durée de vie idéale d’un téléphone ou d’un PC est de 5 ans. Mais les stratégies d'obsolescence programmée des fabricants vont à l'encontre de cette longévité. Pour les contrer, David Romaric ne manque pas d’astuces : « il faut acheter du matériel réparable ». L’indice de réparabilité, instauré depuis janvier 2021, est un bon indicateur. Il oblige les fournisseurs d’équipements à informer les consommateurs sur la facilité de réparation des terminaux et impose de publier la durée de disponibilité des pièces détachées. Le chercheur préconise aussi d’acheter du matériel modulaire, « sur lequel on peut changer le disque dur ou encore ajouter de la mémoire vive ».
Pour bien faire, il faudrait éteindre la télévision avec le bouton de la multiprise
Parmi nos habitudes les plus polluantes dans la phase d’usage, il identifie le fait de laisser un PC ou un écran en veille en permanence. Rien que la boxe internet, reportée à ses 30 millions d’utilisateurs en France (selon l’Arcep) et au temps d’utilisation, elle représente 1% de la consommation totale d’énergie en France. La nuit, pourtant, pas grand-chose ne justifie que la boxe reste allumée. De même, « pour bien faire », recommande le chercheur, « il faudrait éteindre la télévision avec le bouton de la multiprise ». Le streaming vidéo dans les transports fait partie aussi des attitudes à éviter. Le mieux dans ce cas est de streamer en basse définition, « surtout sur un téléphone à peine plus gros que la main ».
Et une fois que l’appareil n’est plus opérationnel ? Une solution alors, le recyclage. David Romaric, alerte sur notre tendance à garder nos équipements dans des tiroirs et incite à les amener en points de collecte. Deux organismes en France, ecologic et ecosystem, sont chargés de les amener à des usines de traitement pour tenter de réemployer, par la suite, les matériaux.
« Des produits neufs plus chers »
David Romaric reste pragmatique. « Une déformation professionnelle », confie-t-il. Réduire notre dépendance au numérique n’est pas si évident dans une société qui « s’appuie à 100% sur ces technologies ». Il croit davantage à la valeur pécuniaire, plutôt qu'au côté moralisateur. L'idéal, poursuit-il, serait que « les produits neufs soient plus chers » pour encourager les particuliers à assimiler ses écogestes. Il penche également pour instaurer une valorisation financière via un système de consigne. « Quand je ramène un équipement, je récupère de l’argent comme c’est déjà le cas pour les bouteilles en France et en Allemagne ». Enfin, il recommande de sensibiliser dès maintenant les enfants qui entrent à l’école pour que, dans 15 ans, il y ait des retombées positives. Il faudrait, entre autre, leur apprendre à faire le tri entre toutes ces applications qui nous encouragent à être connecté au quotidien.
Bérénice ROLLAND