Comment en êtes-vous venu à photographier les animaux ?
J’ai grandi dans un petit village, entouré de bois et de bosquets. Comme beaucoup de photographes animaliers, j’ai commencé par l’observation d’oiseaux et de mammifères. Dans ma rue, il y avait un gars de mon âge et on partait ensemble observer la nature. On avait tous les deux un guide ornithologique, et on cochait les espèces que l’on voyait. C’était comme un jeu inépuisable.
Et puis, à l’âge de 15 ans, j’ai commencé à photographier pour ramener des souvenirs de mes sorties. De fil en aiguille, j’ai continué à bien accrocher dans ce média. Cela aurait pu être la peinture, le dessin, la vidéo, mais c’est la photo qui est venue à moi. Pourtant, l’appareil photo reste un prétexte : l’occasion d’aller dans la nature et attendre des heures pour voir un chevreuil ou un cerf.
Comment arrivez-vous à photographier un animal ?
Il faut beaucoup de patience et de temps pour que toutes les conditions soient réunies avec un animal qui n’est pas très loin et une belle lumière. Cela demande du repérage, je passe ma vie avec mes jumelles pour voir où les animaux vont sortir, quels chemins ils vont emprunter. Parfois, j’utilise des pièges photos qui m’indiquent l’horaire de passage des animaux. Puis, je me mets à l’affût et j’attends. J’attends jusqu’à ce que l’animal arrive et cela peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Neuf fois sur dix, rien ne se passe.
A l’affût, quelles sont les émotions qui vous traversent pendant l’attente et au moment de la prise ?
Sur l’attente, je pense à plein de choses, à ce qui se passe dans ma vie, c’est une sorte de méditation. Et puis, il se passe toujours quelque chose : tu entends une souris marcher, tu regardes un troglodyte en train de chanter sur sa branche. C’est une succession de petits moments comme ceux-là jusqu’à ce que l’animal arrive, dans la bonne lumière, et tu sais que tu vas faire une bonne image. C’est un moment magique. Tu as attendu ce moment-là et la nature te récompense de ton attente.
Quel a été le moment qui vous a le plus marqué dans votre carrière de photographe ?
Lors de mon premier reportage pour Terre sauvage, j’allais presque tous les jours dans une vallée et je voyais un couple de coyotes qui restait à distance. Un matin, le mâle s’arrête et décide de venir vers moi. Il m’approche de très près, me renifle et lèche mes bottines. C’était un moment incroyable, hors du temps. Le coyote s’est endormi juste à côté de moi. Je l’ai entendu ronfler. Les jours suivants, j’ai revu le couple, mais ils ne se laissaient plus du tout approcher.
Vous photographiez souvent les animaux dans la neige, pour quelle raison ?
Lorsque je photographie dans la neige, c’est comme une carte blanche, tout est blanc, épuré, seul l’animal apparaît. Il ne reste que l’essentiel, sa présence. J’aime aussi me confronter aux conditions compliquées comme le grand froid. En pleine tempête de neige, lorsqu’il fait -30°C ou -40°C, on comprend alors que l’on n’est pas grand-chose. Les bisons et bouquetins résistent très bien, alors que toi, équipé comme jamais, tu gèles sur place. Cela t’apprend l’humilité. L’humain n’est plus du tout adapté à son environnement. C’est un peu triste et on se demande où est-ce que l’on a loupé le virage de l’évolution.
En tant que jeune photographe, quel est votre regard sur la crise écologique en cours ?
Je suis assez optimiste. Vers chez moi, de nombreuses associations œuvrent pour la protection de la nature et j’ai l’impression que cela porte ses fruits. Par exemple, je constate que la faune revient dans certaines zones où elle avait disparue. A plus grande échelle, par contre, on va plutôt droit dans le mur et il faudrait peut-être envisager de commencer à tourner. L’Homme n’est pas à part de la nature, nous sommes une espèce sauvage, un animal aussi. Il faudrait imaginer un mode de vie où l’Homme et la nature se réunissent, comme avant : être plus respectueux de ce qui nous entoure, consommer moins et changer l’agriculture et la manière de produire.
je veux montrer qu’il ne faut pas forcément aller loin pour voir de belles choses
Constater la destruction des milieux naturels, de votre espace de travail en quelque sorte, n’est pas rien. Votre métier vous donne-t-il envie de vous engager ?
Tout photographe animalier doit s’engager pour la protection de l’environnement, même si ce n’est pas toujours évident de trouver de quelle manière. Une méthode que j’ai trouvée est de donner mes images à des associations, comme WWF.
Je fais aussi beaucoup d’images en Belgique. A l’avenir, j’aimerais montrer davantage la faune belge. Fin 2022, je vais exposer à Bruxelles, Louvain-la-Neuve et Mons, une exposition 100% belge avec tous les animaux de chez nous. Pour l’œil du grand public, la photo nature est associée à des voyages en Afrique ou en Arctique par exemple, mais je veux montrer qu’il ne faut pas forcément aller loin pour voir de belles choses. La nature est partout et j’ai fait des images à 3 mètres de ma porte d’entrée. C’est une leçon que j’aimerais transmettre.
Bérénice ROLLAND
Pour découvrir les photos de Michel d’Oultremont, rendez-vous à la Biennale ECOPOSS :
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Exposition clair-obscur avec Jérémie Villet sur les grilles de la Faculté de Médecine, à l’Université Catholique de Lille. En partenariat avec Terre sauvage (Du 26 au 30 octobre 2022 - accès gratuit)
Site officiel : https://micheldoultremont.com/