Avec plus de 450 km de lignes de métro et 30 000 vélos en location en France et au Pays-Bas, Keolis est un acteur incontournable de la mobilité. Pionnier dans le domaine des métros automatiques, l'entreprise a d’ailleurs inauguré le premier du genre à Lille en 1983. Connaissant les enjeux énergétiques et environnementaux, Keolis s’engage et imagine la mobilité de demain. Rencontre avec Myriam Taghzouti, Directrice Marketing et Relation Client
En quoi une mobilité plus écologique et accessible est un enjeu pour l’avenir ?
C’est une des briques du changement vers la transition énergétique. La part des transports dans les émissions de gaz à effet de serre est non négligeable, il représente 29% des émissions de la France. Chez Keolis, nous sommes au cœur de cette transition et nous devons donner envie aux usagers de ne pas prendre de voiture, voire de ne plus avoir de voiture du tout.
Comment Keolis participe à la création de la mobilité de demain ?
La mobilité de demain est d’abord plus durable et plus respectueuse de l’environnement. Aujourd’hui, il y a une urgence climatique que chacun ressent individuellement. En tant qu’opérateur d’un réseau de transport en collectif, nous sommes au cœur de ces enjeux. Notre objectif est donc de valoriser l’intérêt de prendre les transports en commun : moins de pollution et d’émission de CO2, c’est souvent aussi moins coûteux au vu du prix de l’énergie. Aujourd’hui, l’environnement a une place importante dans nos offres puisque nous avons par exemple développé un service de V’lille, des vélos en libre-service. Nous essayons de faire en sorte que la majorité des déplacements puissent être réalisée sur un mode doux ou en transports collectifs bien que l’on sache que la voiture ne peut pas être totalement abandonnée. Un réseau de parkings relais est aussi à disposition aujourd’hui pour permettre aux personnes, qui habitent dans des zones moins denses en termes de transport en commun, de déposer leur véhicule avant de se rabattre sur des transports collectifs.
Pour nous, la mobilité de demain est aussi inclusive et plus éthique. Notre objectif est de rendre les transports en commun accessible à tous. Un enfant, s’il est capable de se déplacer sur notre réseau sans difficulté, cela signifie que notre réseau est accessible à toutes les personnes, quelle que soit leur difficulté, quel que soit leur handicap. Pour atteindre cet objectif, avec l’aide d’une start-up française, nous menons une expérience dans la station Cormontaigne. Nous avons mis en place un système d’aide au déplacement des personnes malvoyantes. Une fois dans la station, ces voyageurs peuvent lancer l’application “evelity” sur leur smartphone, ce qui leur permet, en complément des bornes de guidage au sol, de se déplacer sans problème.
Quelles actions futures souhaitez-vous mettre en place pour cette mobilité ?
Nous commençons dès à présent à imaginer cette mobilité, comment seront nos bus, nos tramways de demain ? Quelle énergie utiliseront-ils ? Demain, nous souhaitons utiliser une énergie plus verte comme l’hydrogène ou l’électricité. Nous devons également prendre en compte dans ce renouvellement la formation de nos collaborateurs, conduire un bus au gaz ou électrique ce n’est pas la même chose.
Nous travaillons également sur la maintenance prédictive, c’est-à-dire utiliser des capteurs digitaux qui permettent d’anticiper en détectant les pannes avant qu’elles ne se produisent.
Pour que nos collaborateurs aient tous conscience des enjeux environnementaux, nous avons créé les “makers”. Ce sont des personnes volontaires travaillant à Keolis qui ont pour objectif de sensibiliser les autres sur ces sujets notamment grâce à la fresque du climat.
Bien que les transports en commun soient moins polluants, un réseau de transport avec ses infrastructures, ses véhicules et leur maintenance restent une source d’émission de gaz à effet de serre, comment peut-on pallier cela ?
Sur le réseau lillois, nous avons la chance que nos bus roulent au gaz naturel, nos tramways et nos métros sont électriques. Nous avons également mis en place ce qu’on appelle “l’écoconduite” pour nos conducteurs, ce comportement permet d’économiser jusqu’à 5% d’énergie dans la conduite des bus. L’ensemble des sites et des infrastructures sont également certifiés ISO 14 001, une démarche de management environnementale qui atteste que l’entreprise développe des mesures d’amélioration de son impact environnemental.
Concernant l’énergie utilisée dans nos stations, nous faisons un relamping, c’est-à-dire que nous renouvelons les éclairages en plaçant des Led faible consommation d’énergie. Cela repose sur un programme d’investissement lancé avec la Métropole Européenne de Lille (MEL).
Pour nettoyer nos 500 bus et éviter le gaspillage d’eau, nous avons mis en place un système de récupération et de recyclage de l’eau de lavage.
Quels freins existent à cette vision de la mobilité future ?
Dans un premier temps, je pense que l’épidémie du COVID-19 a créé un véritable frein à l’usage des transports en commun. Aujourd’hui, notre fréquentation n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire. Certains voyageurs sont inquiets de l’affluence et de la proximité.
Je pense que l’on peut encore progresser sur toute la prise en compte de la mobilité accessible à tous. Aujourd’hui, les freins principaux reposent sur nos équipements d’informations voyageurs. Nous avons des écrans dans les stations de métro, dans les abris bus, dans les stations de tramways qui n’ont pas tous été déployé à la même époque. Ils ne se basent donc pas sur les mêmes technologies. Voilà l’un des gros enjeux sur lequel nous sommes toujours en train de travailler : comment donne-t-on une information cohérente et harmonisée sur tout le territoire et pour tous les voyageurs ? Le problème repose sur le fait qu’une fois une technologie déployée, une nouvelle innovation est déjà venue la remplacer. Cela va toujours plus vite, il y a toujours une nouvelle technologie, mais elles ne sont pas toujours développées pour l’usage de tous.
Aujourd’hui, la pénurie de conducteurs est aussi un enjeu majeur. Elle freine notre progression puisqu’elle entraîne la suspension, voire parfois, la suppression de certaines lignes. Pour pallier ce problème, nous avons décidé, pendant l’année 2023, de mettre en place un CFA, une formation en apprentissage, pour les conducteurs de bus afin de permettre de former des jeunes conducteurs. C’est une action nouvelle, un apprentissage dans la conduite de bus, ça ne s’est jamais vu.
Comment les voyageurs réagissent à ce changement vers une mobilité plus respectueuse de l’environnement et plus éthique ?
Nous voyons une envie de changer avec de nouveaux comportements de mobilité, comme par exemple, avec l’utilisation des vélos. Le V’lille a fêté ses 10 ans et on observe chaque année une augmentation du nombre de locations et d’abonnements. Nous avons atteint des records en cette année 2022, le nombre de locations a dépassé les 3 millions. Nous voyons les pratiques évoluer. L’important ce n’est pas de faire du vélo tout le temps, mais d’avoir le choix : « Je peux prendre le vélo et ensuite terminer en métro ou partir en bus et revenir à vélo ».
Comment fait-on pour faire accepter ces nouvelles mobilités aux voyageurs ?
Il faut d’abord un partage d’information pour que les voyageurs connaissent toutes ces options. C’est ce que nous développons avec l’application “ilevia”. La tarification sociale et la gratuité des transports au moins de 18 ans sont également des atouts pour favoriser les transports en commun.
Nous travaillons également avec des établissements scolaires. Le but est de sensibiliser les jeunes voyageurs en leur expliquant l’importance des transports plus respectueux. Nous leur expliquons également comment se déplacer sur le réseau : comment lit-on un plan ? Comment valide-t-on son titre de transport ?
Nous réalisons aussi une démarche d’accompagnement auprès des personnes en réinsertion, c’est-à-dire auprès des personnes au chômage et à la recherche d’un emploi. Nous souhaitons que l’utilisation des transports ne soit pas un frein à l’embauche.
Elisa DESPRETZ