Encore peu répandus, les exosquelettes ou robots à assistance physique (RAP) permettent de réduire la charge physique ou prévenir les troubles musculosquelettiques. Leur utilisation n'est toutefois pas sans défis d’intégration, de santé ou de sécurité. L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) a étudié la question à travers un exercice de prospective : “Quelle sera l’utilisation des RAP à l’horizon 2030 ?”
« Les troubles musculosquelettiques (TMS) représentent plus de 80% des maladies professionnelles en France », Jean-Jacques Atain-Kouadio, expert d’assistance à l’INRS, rappelle les enjeux. Pour ce spécialiste, les robots à assistance physique contribuent à réduire les efforts physiques et préviennent les TMS liés à l’activité. « Les efforts, angles importants, biomécanismes ou encore la répétitivité peuvent toucher les articulations, les tissus et provoquer tendinites et lombalgies », précise-t-il.
Du transpalette à l’exosquelette, le panel des nouvelles technologies qui peuvent assister les opérateurs dans leurs tâches est vaste. L’INRS distingue les dispositifs avec ou sans contention. Pour les premiers, les exosquelettes, le système est attaché à l’Homme et l’assiste dans certains mouvements. Pour les second, le système n'est pas attaché à l’Homme, mais fixé à un autre élément (mur, un échafaudage…).
Imaginons que vous ne sachiez pas faire du vélo. On décide de faire une course ensemble. Moi à pied, vous à vélo. On donne le top départ, à votre avis qui va arriver en premier ? »
La dernière solution possible
« La technologie n’est pas binaire ». Les robots d’assistance physique ont leurs avantages, mais aussi leurs limites. Il ne faudrait pas reporter la contrainte physique sur d’autres muscles ou parties du corps. L’intégration de ces technologies doit atteindre un équilibre dans la réduction des contraintes.
Pour cela, elle ne doit pas se faire n’importe comment. « Imaginons que vous ne sachiez pas faire du vélo. On décide de faire une course ensemble. Moi à pied, vous à vélo. On donne le top départ, à votre avis qui va arriver en premier ? ». Il en va de même pour les exosquelettes : « Si vous prenez quelqu’un qui a une grande expertise dans son travail à qui on impose un exosquelette, sans accompagnement, sans réel besoin, on atteindra rapidement des limites importantes ».
Pour ne pas en arriver là, l’INRS a mis en place une méthode d’intégration à destination des entreprises. Elle consiste à se demander si l'entreprise a vraiment besoin d’un exosquelette, puis à caractériser ce besoin : « Où est-ce que l'opérateur a besoin d’être assisté : à l’épaule, au coude, au bras… » et enfin, il faut trouver une technologie qui y réponde. Là encore, ce n’est pas gagné. Les exosquelettes commercialisés à ce jour, ne peuvent apporter des solutions à l’ensemble des contraintes physiques auxquelles sont exposées les salariés. De plus, « ce n’est que la dernière solution possible. Il faut déjà avoir fait avant, tout ce qui est possible de faire en termes de prévention et d’organisation » prévient le spécialiste. Reste un travail de familiarisation, de formation et d’accompagnement. « C’est capital ! » insiste-t-il.
L'objectif n'est pas d'augmenter la productivité
Les exosquelettes vont-ils asservir l’Homme ? Cette angoisse persiste avec l’essor de ces systèmes robotisés dans de nombreux secteurs. Pour Jean-Jacques Atain-Kouardio, « cela n’arrive que dans les films de science-fiction ». Si l’opérateur n’arrive pas à travailler avec un exosquelette, il n’y sera pas obligé.
Et en termes de productivité ? Il semble légitime pour les opérateurs de s’interroger sur les intentions des entreprises : veulent-elles me faire travailler plus ? Faire en sorte que je sois plus performant ? « En aucune manière l’objectif des entreprises est d’augmenter la productivité », répond ce représentant de l’INRS, « d’ailleurs comment l’augmenter si les problèmes de santé de l’opérateur ne sont pas résolus ? ». Ces préoccupations en soulèvent une autre, celle de l’acceptabilité des exosquelettes au sein d’une entreprise.
Dans ce but, l’INRS a développé un modèle d’acceptation. Ce modèle comporte six dimensions physiques et psychosociales (cf. schéma). Il pose de nombreuses questions : comment l’entreprise annonce-t-elle l’arrivée de ses nouvelles technologies ?, l’opérateur est-il gêné dans ses mouvements ?, les conditions de travail sont-elles plus difficiles ?, quel est le regard des autres salariés ?, est-ce que l’opérateur aime travailler avec l’exosquelette ?, etc. « De l’aspect physique aux impacts sur l’organisation, le collectif, toutes ses dimensions doivent être prise en compte par l’entreprise », préconise le chercheur.
Et en 2023 ?
Nous avons fait un bond en avant dans le temps. D’après les scénarios élaborés dans l’exercice de prospective de l’INRS, « nous sommes déjà en 2030 ! ». L’offre est nombreuse. « Les start-up françaises et internationales proposent près de 40 à 50 exosquelettes sur le marché », estime le spécialiste. En 2022, les entreprises n’hésitent plus à investir pour les intérêts que l’on connaît, mais aussi pour répondre aux enjeux d’évolution des technologies. Résultat, les ruptures technologiques sont rapides. Alors qu’un exosquelette pesait 9 kg en 2013, il en pèse aujourd’hui 1,3 kg. Ce type de robot pourra-t-il, à l’avenir, compenser l’ensemble des tâches physiquement difficiles ? La réponse est non. Pour le reste, « d’autres solutions existent », conclut Jean-Jacques Atain-Kouadio.
Bérénice ROLLAND
Pour aller plus loin :
- Exosquelettes au travail : étudier leur impact sur la santé des salariés {vidéo] https://www.youtube.com/watch?v=-zna8NDcJYk
- Emissions TV INRS pour la revue Travail et Sécurité [vidéo] https://www.youtube.com/watch?v=4g4nFF9Cpvk
- 10 idées reçues sur les exosquelettes : https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206295
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