Les Affinités, Robert Charles Wilson, Trad. Gilles Goullet, Folio SF, 2018
Un roman d’anticipation social écrit par un auteur humaniste. Notre monde a quelque peu évolué, les individus peuvent à présent, par le biais d’un algorithme, être « classés » par affinités. Les personnes appartenant alors à la même « famille » se comprennent naturellement et son enclin à coopérer, sans avoir besoin de beaucoup communiquer. Une proposition de développer l’inter-compatibilité comme un remède aux problèmes de la société. Vous l’aurez compris, il s’agit là, d’une réflexion à partir des réseaux sociaux poussée à son extrême avec une concrétisation dans le monde de tous les jours. Comme à son habitude Robert Charles Wilson travaille particulièrement ses personnages et chacun à son importance. Il procède par petites touches rendant son récit très crédible et attachant. Cependant le programme se déroule et après les avantages évidents apparaissent les limites, les défauts, les faiblesses du système. Alors qui se ressemble s’assemble, mais jusqu’à quel point ? La meilleure ressource pour l’homme, ne serait-elle pas l’homme lui-même ?
La Cité des permutants, Greg Egan, Trad. Bernard Sigaud, Lgf Imaginaire, 2000
En 2045, la réalité augmentée s’est considérablement développée. Il est possible, pour qui en a les moyens, de se faire numériser. Ainsi après la disparition du corps physique, une copie peut continuer à interagir. Paul Durham s’intéresse de près à ses copies. Peut-on considérer une copie à l’égal de l’original ? Comment perçoit-elle, comment comprend-elle le monde ? Peut-elle agir par elle-même ? Mais Greg Egan ne s’arrête pas là. Il nous emmène dans un monde où les répliques développent d’autres formes d’intelligence, ne sont pas limitées par la mort et peuvent générer des univers complets. Un récit foisonnant de prospective scientifique mêlé de questions métaphysiques par l’un des maîtres de la « Hard Science » dans un style assez âpre, nourri de nombreuses références techniques souvent difficiles à appréhender, pour lecteurs motivés.
La Main gauche de la nuit, Ursula K Le Guin, Trad. Jean Bailhache, Livre de Poche,1969
Le cycle de Hain est une constellation de récits de science-fiction qui permettent chacun d'observer en un endroit de la galaxie et un instant précis la reconstitution d'une civilisation regroupant toutes les humanités : L'Ekumen. La main gauche de la nuit est une des perles qu'abrite cet univers. Dans ce roman, on suit Genly Aï ambassadeur de l'Ekumen sur la planète Gethen. Il est chargé de proposer aux habitants de ce monde de rejoindre sa civilisation. L'ambassadeur, tout comme le lecteur, devra s'acclimater à Gethen. En effet, la planète n'a pas seulement des conditions climatiques glaciales, mais l'humanité qui y réside a évolué d'une manière singulièrement différente. Ici pas de genre pour les humains, ce sont autant des "ils" que des "elles" ; excepté une fois par mois, où une poussée hormonale leur fait prendre aléatoirement les caractéristiques sexuelles de l'un des deux genres. C'est dans ce monde étrange que Genly devra se faire accepter et mener sa mission à bien, lui qui est perçu par les autochtones comme une anomalie. Son chemin l’amènera à côtoyer les deux états de cette planète : la Karhaïde une nation aux airs de monarchie et l'Orgoreyn un pays au fonctionnement qui n'est pas sans rappeler l'URSS. Bien que ces deux nations soient rivales et que des escarmouches armées aient régulièrement lieu à leurs frontières, elles ne sont pas en guerre car c'est un concept étranger au Géthéniens. Cette rivalité sera un frein supplémentaire pour Genly. Ursula K Le Guin présente avec ce livre ses réflexions sur l'organisation d'une société où le genre n'est plus une question. En abolissant cette barrière l'autrice apporte aussi des réflexions sur les relations entre individus à tous les niveaux : de la cellule familiale au fonctionnement des états.
SOON, Benjamin Adam (Scénario et Dessins) Thomas Cadène (Scénario), Dargaud, 2019
Ce roman graphique vous propulse dans un futur proche où les guerres et les catastrophes écologiques ont grandement réduit la population sur Terre. Il reste sept villes, enclaves où subsiste l'humanité, tandis que partout ailleurs la nature reprend ses droits. Au cours de ces 240 pages, vous suivrez l'histoire de Simone et son fils Youri. Elle est astronaute et sera la seule passagère de "SOON" ; une mission spatiale qui l'enverra pour un voyage sans retour mais qui porte les espoirs de l'humanité. Lui en veut à sa mère de l'abandonner seul sur Terre. Ce road trip à travers les villes de la Terre dans lequel elle l'amène sera l'occasion pour eux de passer un dernier moment ensemble ; pour Youri ce sera aussi une découverte du monde et de la vie loin de cette bulle dorée dans laquelle il se trouvait jusque-là. Le récit alterne tour à tour entre ce dernier voyage familial et Simone expliquant à son fils l'Histoire de la Terre : de sa création aux événements qui ont menés à la situation actuelle. La trame du narrative se suit dans une mise en page de bande dessinée habituelle mais pour l'Histoire de la terre, les auteurs ont joué avec la composition des pages pour nous faire suivre le récit de la mère comme on suivrait un fil. En dehors de cette histoire familiale très touchante, SOON nous offre une véritable réflexion sur l'utilisation de nos ressources naturelles. Doit-on les dédier à la science et au progrès quitte à léser la population mondiale ? Mais c'est aussi une histoire qui a une vision profondément optimiste sur la capacité de l'humanité à s'unir pour éviter les erreurs du passé.
L'Homme qui mit fin à l'histoire, Ken Liu, Trad. Pierre-Paul Durastanti , Le Bélial' – Une Heure Lumière, 2016
Dans un futur proche, deux scientifiques mettent au point un procédé qui permet d'aller observer un événement du passé. Ce voyage se fait pour une unique personne et une unique fois, sans aucune possibilité d'interagir avec l'objet d'observation. Imaginez ceci comme une pellicule de film extrêmement fragile, n'existant qu'en un seul exemplaire, après une seule utilisation, elle se détruirait et son contenu serait perdu à jamais. Il est décidé d'aller observer l'Unité 731, cellule japonaise qui opérait en Chine dans les années 1930 et qui se livrait à des expérimentations humaines à grande échelle. Mais qui faut-il envoyer ? Les scientifiques, pour vérifier le bon fonctionnement de leur procédé ? Des historiens, pour attester de ce qui s'est passé et pouvoir le consigner ? Ou bien des proches des victimes, pour pouvoir faire le deuil ? En plus de ces questions, le gouvernement japonais ne voit pas cette opération d'un bon œil. Le Japon a à peine reconnu l'existence de cette Unité en 2002 et n'a jamais complètement pris ses responsabilités quant à cette période. En nous proposant ce nouveau regard sur une période sombre de l'Histoire, Ken Liu nous rappelle l'importance du devoir de mémoire. Accepter ce qui s'est passé pour pouvoir avancer dans le futur.
Cadavre exquis, Agustina Bazterrica, Trad. Margot Nguyen Beraud, J'ai Lu, 2021
Quand un virus éradique la quasi-totalité des animaux sur Terre, une nouvelle espèce d'humains est créée pour résoudre la pénurie de viande. Marcos, directeur d'un abattoir de ces nouveaux humains, va voir sa vie changer quand il décide de sauver une femelle de la mort. Il va la prendre sous son aile et une relation particulière commence. Attention, tout de même, certaines scènes peuvent choquer. Si ce livre traite du cannibalisme et peut sembler "trash" au premier abord, ce n'est pas le côté le plus intéressant. Ce texte écrit en 2017 nous fait réfléchir sur la condition animale, le véganisme mais aussi sur la condition humaine. A partir de quel moment peut-on dire qu'untel ou unetelle mérite d'être appelé humain et d'être traité comme tel ? Comment nous adapterions-nous si la viande venait à manquer ? Cela pourrait arriver plus vite qu'on ne le pense.
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