La cigarette consume tout sur son passage
La production du tabac entraîne une exploitation intensive des ressources naturelles et des matières premières telles que l'eau, la terre, le bois, mais aussi une forte consommation d'énergie par l’industrie du tabac. Une plante de tabac consomme jusqu'à huit fois plus d'eau que des cultures telles que les tomates ou les pommes de terre. Une seule cigarette nécessite environ 3,7 litres d'eau tout au long de son cycle de vie. L'industrie du tabac est responsable de 5% de la déforestation mondiale, entraînant la destruction annuelle de 600 millions d'arbres, soit une surface de 270 000 terrains de football. Chaque année, 11,4 millions de tonnes de bois sont utilisées pour le séchage du tabac, équivalant à la combustion d'un arbre pour la production de 300 cigarettes. L'acheminement des produits du tabac aux quatre coins du monde accentue son empreinte carbone.
Après consommation, pas moins de 616 millions de mégots de cigarettes, ce qui représente environ 1,7 fois le poids de la tour Eiffel, se retrouvent dans le sol, l'air, les eaux. Responsables de 10% des incendies mondiaux, équivalant à la destruction de 40 millions d'hectares de forêt, ils contaminent aussi les nappes phréatiques. Les engrais et les pesticides présents dans les cigarettes, tels que l'aldicarbe et le chlorpyrifos se dispersent lors de la dégradation de la cigarette, nuisant ainsi aux écosystèmes. Les filtres composés d’acétate de cellulose contiennent des microplastiques, mettant jusqu’à 12 ans pour se décomposer, faisant d'eux la deuxième forme de pollution plastique la plus répandue au monde. Son impact significatif sur la biodiversité entraîne la mort des vers de terre, inhibe la croissance des plantes et menace la vie aquatique. Un seul mégot peut contaminer jusqu'à 500 litres d'eau, empoisonnant ainsi les poissons et la chaîne alimentaire jusqu’à l’Homme.
La réglementation responsabilise-t-elle l’industrie du tabac ?
En France, le ministère de la transition écologique révèle que pas moins de 23,5 milliards de mégots sont jetés chaque année dans l'espace public. Pour remédier à ce problème, dès 2012, la France a pris l'initiative de devenir le premier pays à contraindre les fabricants de tabac à assumer la responsabilité du nettoyage et du traitement des mégots. En 2020, le principe du pollueur-payeur a enfin été appliqué à l'industrie française du tabac, imposant aux producteurs et distributeurs à financer, organiser et mettre en œuvre des solutions de collecte, de réutilisation ou de recyclage adaptées pour leurs produits. L'éco-organisme ALCOME a été créé dans ce contexte pour mettre en œuvre des mesures concrètes visant à réduire la quantité de mégots de cigarettes dans l'espace public en France. Financé de fait par les industries du tabac, cet eco-organisme reverse des fonds aux collectivités pour le ramassage et le nettoyage des mégots abandonnés. L'ALCOME vise à réduire de 20% la quantité de mégots dans l'espace public d'ici trois ans, et de 40% d'ici 2026.
Entreprises et associations s’emparent du problème
Des projets d'économie circulaire, tels que ceux de l'association Green Minded, transforment les mégots de cigarettes en mobilier urbain et de jardin. Des cendriers connectés, disponibles dans les espaces publics, offrent une approche innovante pour promouvoir une élimination responsable des mégots de cigarette. Ils proposent des fonctionnalités ludiques en intégrant une application mobile, pour encourager et récompenser les utilisateurs. Ces cendriers peuvent collecter et recycler les déchets. Des actions citoyennes ont vu le jour pour nettoyer les rues souillées comme World Cleanup Day. Lors de la dernière édition, l'équipe de Lille a ramassé plus de 900 000 mégots au cours d'un seul week-end, incitant les fumeurs à prendre conscience de l’impact que peut avoir ces bouts de cigarette cumulés.
Si les mesures de traitement des déchets ont une place importante, la lutte contre le tabagisme est également un moyen de lutter contre le problème. Des campagnes de sensibilisation sont mises en place à l’échelle nationale et internationale. La difficulté à sensibiliser les fumeurs malgré les campagnes d'information, les défis liés à la gestion des déchets de mégots, la nécessité d'une surveillance et d'une application efficace des réglementations, ainsi que les pressions économiques exercées par l'industrie du tabac pour limiter les mesures de prévention, sont autant de freins qui aujourd'hui ne permettent pas d'enrailler efficacement le problème.
La cigarette électronique, une cigarette durable ? Une cigarette durable semble peu probable pour le moment. La piste des cigarettes électroniques pose un risque environnemental. Etant constituées de plastique, de batteries contenant des métaux lourds et de pesticides, cela pourrait les rendre potentiellement plus préjudiciables pour l'environnement. Afin de réduire la consommation de tabac chez les jeunes et dû à son impact environnemental, le gouvernement va bannir début 2024 la puff, une cigarette électronique à usage unique, très prisé chez le jeune public. |
Marie PIGNOLET
Pour aller plus loin:
La cigarette, une “bombe écotoxique” pour l’environnement, l’Heure du Monde :
https://open.spotify.com/episode/7JRrGUevQMtWsl1uo5coo7
Les impacts environnementaux de la cigarette, CDC Informatique (Caisse des Dépots) :
https://www.icdc.caissedesdepots.fr/sites/default/files/2020-11/cigarette.pdf
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