L’éclosion des fermes urbaines
L'agriculture urbaine englobe toutes les activités agricoles en milieu urbain ou à proximité des villes, confrontée à des contraintes telles que la pollution, l'accessibilité et les règles d'urbanisme. Du potager individuel à la ferme urbaine participative, l'objectif premier est de produire localement, rapprochant ainsi la culture des aliments aux consommateurs. Apparue en France au 19ème siècle, avec la "Plaine des Vertus" approvisionnant Paris en fruits et légumes, l'agriculture urbaine a connu un déclin lors des Trente Glorieuses. L'industrialisation et l'urbanisation ont réduit progressivement cette zone.
Depuis 2020, suite au Covid, un regain d'intérêt se manifeste en France, les citoyens se rapprochent des jardins potagers pour créer du lien social, renouer avec la nature en ville et accéder à des circuits courts. Des programmes nationaux soutiennent ce mouvement. Toutefois, la pratique reste marginale à l’échelle des grandes villes. En France, la moyenne est d'une exploitation agricole pour 128 habitants mais dans la Métropole du Grand Paris, cela chute à une exploitation pour 74 000 habitants. Cela traduit les difficultés de développement de l’agriculture urbaine dans des villes à forte densité. De plus, la rentabilité de ce type de lieu reste un challenge. La ferme urbaine de Fives, à Lille, a préféré comme objectifs ceux de l’expérience et de la pédagogie.
Née en 2017 du projet européen UIA "Urban Innovative Actions", porté par la Soreli, un aménageur public, axé sur les enjeux alimentaires et la réduction de la pauvreté, la ferme a ouvert ses portes en juin 2022. Associée au projet de l'école d'ingénieurs Junia ISA de l’Université Catholique de Lille, cette ferme permet la réhabilitation de l'ancienne usine de Fives Cail à Lille en un espace vivant et nourricier.
Une ferme urbaine comme laboratoire
L’association Chaud Bouillon, engagé dans les transitions environnementales et alimentaires, anime le site. La Ferme de Fives adopte une approche polyvalente de l'agriculture en utilisant différentes techniques. Parmi ces techniques, les serres urbaines, qui offrent un environnement contrôlé pour une production continue de légumes et d'aromates. On retrouve également l'aéroponie, qui permet de cultiver des plantes suspendues, en les nourrissant par une brume nutritive, ou encore l'hydroponie, qui consiste à cultiver sans terre en utilisant des substrats inertes et une solution nutritive liquide. La ferme utilise l'hydroponie en système de gouttière horizontale pour faire pousser des aromates comme de la menthe.
Pour l’élevage de poissons, la ferme expérimente l’aquaculture mais aussi, l’aquaponie qui combine l’aquaculture et l’hydroponie. L'un des éléments clés de l'aquaponie est le cycle de l'azote, qui permet de transformer les déchets des poissons (l'ammoniac) en nutriments pour les plantes, via des bactéries qui transforme l’ammoniac rejeté en nitrite et nitrate. Les poissons eux, vont recevoir l’eau purifiée par les plantes, créant ainsi un cycle fermé durable, où les poissons et les plantes se bénéficient mutuellement.
Cette ferme cultive également les champignons, pour lesquels des ingénieurs préparent un mélange organique, introduisent le mycélium (partie végétative du champignon), le laissent se développer dans des conditions spécifiques selon son état, avant de l'exposer à la lumière pour la récolte et de répéter le cycle.
Une ferme urbaine au coeur des transitions
Si la culture des champignons s'avèrent rentable, tout comme celle de l'aquaculture, ce n'est pas le cas de toutes leurs activités agricoles. Leur empreinte écologiques reste également conséquente malgré leur système de récupération d'eau et la promotion de circuits court. Mais pour Junia, il s'agit avant tout d’un projet pédagogique et d'expérimentation pour les étudiants et les ingénieurs. La ferme urbaine souhaite s'implanter en ville et collaborer avec le Palais Rameau, un démonstrateur des "Agricultures et de l'alimentation de demain". Junia souhaite y créer un tiers-lieu dédié à l'agriculture urbaine et à la transition écologique. L'objectif est de créer un espace ouvert au grand public, aux étudiants et aux scientifiques. Les travaux en cours permettront une coordination des nombreuses structures liées aux transitions écologiques, durables et sociales de cet écoquartier.
Marie Pignolet
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