Nature et ville, comment les réconcilier ?

La dépollution des sols : trop beau pour être (totalement) vrai ?

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16 juin 2022
Nickel, zinc ou cuivre, de nombreux métaux contaminent les sols. Leur présence vient principalement de l'exploitation minière, industrielle, et des sites d’enfouissement. Cette contamination est problématique car ces métaux sont persistants et peuvent toucher la faune, la flore et les eaux. Mais ce phénomène est réversible, puisque différentes techniques d’assainissement des sols existent. L’une d’entre elles repose sur le principe de dépollution par les plantes. Mais cette pratique est-elle vraiment avantageuse ?
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Pour étudier la dépollution par les plantes d’un sol contaminé, l’ISA effectue différentes expériences © Elisa Despretz

Si la pollution des sols peut être d'origine naturelle, liée aux roches et leur évolution, elle est surtout humaine. On distingue deux types de polluants, les composés organiques (hydrocarbures, etc.) et les éléments métalliques. Ce sont ces derniers sur lesquels nous allons nous attarder. Comme ils ne sont pas bio-dégradables, ils peuvent parfois se concentrer, c'est la "bio-accumulation". Un phénomène qui peut avoir des conséquences sur notre santé, comme sur celle de la faune. Les métaux présents dans les terres, comme le nickel ou le zinc, peuvent être plus ou moins toxiques pour les êtres vivants en fonction des prédispositions de chacun. Dans le sol des parcs, les enfants peuvent être exposé à cette contamination, lorsqu'ils touchent la terre. Certains sites, susceptibles d’impacter la qualité des nappes phréatiques, sont également surveillés. Pour la flore, la présence de ces métaux n’est pas sans conséquence, puisque les plantes peuvent se contaminer entre elles. Cela peut donc également impacter les produits alimentaires.

Nos ancêtres utilisaient déjà la phytoremédiation

Pour assainir ces terres, plusieurs méthodes existent. L’une d’entre elles est la phytoremédiation : la dépollution des sols par les plantes. Théo Guerin, docteur en chimie verte à Junia ISA Lille, a étudié ce phénomène dans une région fortement touchée par l'exploitation du charbon, le Bassin minier. “Le principe repose sur la production, sur ces sols contaminés, de biomasses végétales qui vont être en capacité d’absorber des polluants grâce à leurs racines. Les polluants passent alors du sol à la plante”. Pour accélérer ce transfert d’éléments métalliques, il est possible d’utiliser des amendements, qui équilibrent et fertilisent les sols. Une fois, que les éléments sont absorbés, il est important de récolter les plantes contaminées. Christophe Watterlot, enseignant-chercheur à Junia ISA Lille, insiste : “Les éléments que vous avez exportés vont avoir une forme plus disponible”, si l’on ne ramasse pas les feuilles de ces plantes contaminées, il peut y avoir, entre autres, un risque d'accroissement de la pollution du sol. 

 
La phytoremédiation n’est pas une nouveauté d’après Christophe : “Nos ancêtres utilisaient déjà cette technique”. La méthode a de nombreux avantages :  “C’est un bon moyen, pas cher et facile à mettre en place, qui permet d’utiliser des sols qui aujourd’hui sont totalement inexploitables” nous explique Théo. Car, “une fois qu’il est assaini, le sol peut être considéré comme propre et peut fonctionner comme n’importe quel autre”. Pour Christophe, “le but est de redonner au sol un usage de production de biomasses qui peut être alimentaire ou non”. 

 

Des plantes selon les polluants

Il existe différents types de plantes capables d’assainir les sols. Par exemple, les plantes hyper-accumulatrices permettent d’absorber en grande quantité, de manière spécifique un ou plusieurs éléments métalliques. Bémol ? Elles sont petites : “Même si elles sont très concentrées, elles ne récupèrent pas beaucoup de masse”. Des plantes tolérantes peuvent aussi être utilisées, elles ont une biomasse plus importante avec de grandes feuilles mais accumulent moins et de manière non-spécifique.  

Le docteur en chimie verte précise : “Il est impossible d’assainir un sol par une plante qui n’a aucune affinité avec le métal contaminateur”. Y a-t-il donc des métaux qui ne peuvent pas être absorbés par une plante ? Théo est optimiste : “Je pense qu’à partir du moment où le métal est biodisponible, on pourra toujours trouver une espèce végétale capable de l’absorber”.  

femme étudie sols

La phytoremédiation, un remède miracle ?  

La phytoremédiation semble donc être une solution aux terres contaminées. Pourtant, cette pratique ne permet pas de dépolluer entièrement les sols. Dans la concentration métallique du sol, il y a une partie mobile, c’est-à-dire que certains éléments sont disponibles pour être absorbés par les plantes. Il y a une autre partie, qui ne bouge pas, qui reste accrochée aux sols et ne pourra pas être enlevée par les plantes. Pour Théo, il n’y a pas de soucis à se faire : “C’est un faux problème, car si les métaux sont très accrochés aux sols, ils ne seront pas un danger pour les humains. Par exemple, si on fait de la culture de végétaux ou de bétails sur ces sols, comme ces métaux sont très accrochés, il y a peu de risque de rencontre avec l’être humain.” 

Mais si on ne dépollue pas à 100 %, à quoi sert la phytoremédiation ? Théo explique : “La phytoremédiation permet de passer en dessous de la limite de réglementation et de remettre sur pied des espaces contaminés inutilisables”. "On ne dépollue pas, la stratégie est de stabiliser les éléments métalliques" précise Christophe. Normalement, la contamination se trouve entre 0.25 et 0.30 cm dans le sol. Christophe précise que cela n’est pas forcément vrai dans les villes en fonction de leur historique. Des activités industrielles différentes s’effectuent sur le même sol, il est donc remanié au cours du temps. Cela crée un “cocktail d’éléments métalliques”. Celui-ci n’est pas forcément plus dangereux que les métaux seuls, cela dépend des interactions entre eux. 

C'est finalement le temps d’action de cette méthode qui n'en fait pas un remède miracle. D’après Théo, “On ne peut pas donner un timing précis mais peut-être en 50 ans si on produit suffisamment de biomasses végétales sur ces parcelles, on pourrait assainir un certain pourcentage de sols”.  

 

La recherche continue

Seule, cette démarche ne permettra pas d’assainir les sols entièrement. Théo ne néglige pas son importance, mais précise : “C’est un complément, on ne peut pas l’utiliser tout seul, mais en association avec d’autres méthodes, peut-être plus traditionnelles. C’est un bon moyen de dépolluer les sols”.  

Sur les petites surfaces, la phytoremédiation n’est pas utilisable, car “ce n’est pas forcément très pertinent de réaliser beaucoup d’efforts pour obtenir le même résultat qu’avec une technique classique”, par exemple une substitution de la terre contaminée avec un terre saine. Dans la ville, la dépollution du sol par les plantes n’est donc pas pertinente sauf sur de grande surface comme le Parc de la Citadelle. Théo détaille : “Des expérimentations sur un ou deux hectares du Parc de la Citadelle pourraient être pertinentes”.

Christophe conclut, l’avenir se trouve dans “une molécule thérapeutique qui récupérerait les biomasses contenant les éléments métalliques”. Rien n’est encore fait, la dépollution restent un enjeu important pour réhabiliter les sols. 

Elisa DESPRETZ

 

Pour aller plus loin : 

Réhabilitation des sites pollués par phytoremédiation - Nadia Origo, Stanislas Wicherek et Micheline Hotyat

Pollution et Santé - Santé Publique France

 

 

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