Consommer mieux et moins c’est ce que conseille Valérie Guillard, professeur à l’Université Paris Dauphine. A travers son livre, Comment consommer avec sobriété : vers une vie mieux remplie, publié aux éditions De Boeck Supérieur, elle étudie les pratiques des consommateurs. Lors de notre rencontre, elle nous explique comment la sobriété peut augmenter notre bien-être.
« Il faut que j’aille la rendre », Valérie Guillard a emprunté une valise à un ami. La sienne a rendu l’âme, il y a plus d’un an. Elle se demande si elle va en racheter une. Pour elle, lors d’un achat, il faut se poser une unique question : « Est-ce que j’en ai besoin ? ». Tout dépend de la fréquence d’usage des objets. Pour Valérie, cette démarche prouve une volonté de vivre dans la sobriété. Un concept qui se répand. Pourtant, certains l’associent encore à l’alcool. La professeure définit la sobriété comme « un rapport au monde ». Pour elle, on ne peut pas devenir sobre du jour au lendemain, « c’est un cheminement ». La première étape est de transformer ses pratiques en achetant des objets d’occasion. Au fur et à mesure, la volonté de réduire sa consommation peut amener à la sobriété. Personnellement, Valérie ne se considère pas comme un exemple « j’ai plein d’incohérences encore ». L’une d’elles est qu’elle est obligée de se déplacer en avion à cause de son travail. Elle n’a pas de voiture, comme elle habite en ville, elle n’en ressent pas l’utilité.
Mesurer la sobriété, pas si simple
Savoir si quelqu’un est sobre, « c’est compliqué ». Valérie mesure la sobriété « par son degré de cohérence » entre la consommation et l’autoproduction. A l’inverse, le gaspillage peut se détecter en un coup d’œil : le volume, il montre tout ce que l’on accumule. Elle prend l’exemple de l’armoire à vêtements, « on met toujours la même chose » donc tout le reste est du surplus. La plupart du temps, c’est cette accumulation d’objets inutiles qui crée un déclic chez le sur-consommateur.
L’auteure étudie la question de la sobriété dans un livre Comment consommer avec sobriété : vers une vie mieux remplie. Elle a enquêté pour « mesurer la sobriété d’une façon simple, pour que le consommateur sache à peu près se situer ». Son étude se repose sur 300 participants et les questionne sur 19 activités quotidiennes.
La conclusion montre que 7,1 % des personnes n’ont pas la volonté d’être sobre, mais le sont, sans le savoir, dans leur vie quotidienne. Ce groupe représente une génération de retraités qui n’achète pas de surgelés, car elle a le temps de cuisiner ou car elle cultive un potager dans son jardin.
Cela rappelle que la sobriété « dépend aussi du cycle de vie dans lequel vous êtes : si vous avez des enfants, à combien vous vivez… ». Pour Valérie, il est évident que les ruraux sont obligés d’avoir une voiture. Tout le monde ne peut pas être complétement sobre, l’environnement de vie a des conséquences.
Notre bien-être et celui de la planète
« Je ne pense pas qu’on puisse se sentir bien en consommant des choses dont on n’a pas forcément besoin et qu’on entasse chez nous ». Pour Valérie, être sobre apporte du sens et du bien-être. Arrêter de perdre du temps dans les magasins permet « de passer du temps à faire des choses simples », s’occuper de soi et de ses proches.
Valérie n’est « pas là pour faire la morale ». Elle nous donne des conseils pour faire un premier pas vers la sobriété : « Faire des choses que l'on estime simple ». Une chose est impérative pour elle : « Surtout, il ne faut pas vouloir tout faire en même temps, c’est une erreur fatale ». D’après Valérie, changer une pratique à la fois permet d’avancer vers la sobriété. La professeure est réaliste, changer son mode de vie « demande de l’organisation et un petit temps supplémentaire ». Pourtant, c’est une solution incontournable au changement climatique, nous affirme-t-elle. Cette nouvelle habitude ne doit pas arriver seule, elle doit être accompagnée d’une baisse du niveau de pollution des entreprises. « On voit de très belles initiatives » dans les nouvelles entreprises, mais aussi dans l’évolution des business modèles de celles déjà existantes. Pour Valérie Guillard, l’interaction est indispensable. Les entreprises et les consommateurs doivent avancer ensemble vers cette démarche de sobriété.
Elisa DESPRETZ
Pour aller plus loin :
Consommation : sobriété choisie - Les Echos
Quelle place pour la sobriété dans nos modes de vie - The Conversation
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