« Oh, mais c’est à moi ça », Sophie Vandendorpe vient de retrouver sa tasse disparue depuis quelques mois. Le problème ? Cette tasse est rangée dans l’armoire de Myriam Pennequin. Les deux membres des Voisins du Quai nous expliquent ce qu’est la vie en habitat participatif : un mélange d’individualité et de vie commune. Ils sont 14 adultes et 6 enfants habitant dans des appartements tous différents, du T4 au studio. Les habitants se retrouvent dans des espaces partagés comme le jardin, le salon ou la buanderie. Les coursives ont aussi été conçues dans le but de créer des points de rencontre entre les Voisins. Voilà pourquoi, sans surprise, il est possible de retrouver sa tasse chez sa voisine.
« On s’aime bien », Myriam apprécie ses voisins. Ils ne se connaissaient pas et ont appris à tisser des liens entre eux. Le nombre impressionnant de messages par jour sur leur groupe Signal en est la preuve. Sophie apprécie cette ambiance chaleureuse : « Le fait de vivre dans un environnement bienveillant, c’est primordial ». Cette atmosphère est parfois poussée à l’extrême « je sais qu’au début, je mettais des fois un quart d’heure pour arriver à mon vélo », Sophie discutait avec tous ses voisins avant de pouvoir partir.
La vie personnelle a beaucoup de place ici, mais on se rajoute de petites choses ensemble une fois par mois.
Le respect des règles et du planning, sont deux éléments primordiaux pour la bonne entente du groupe. Myriam résume la réglementation par « qui se sert range ». Un entretien du bâtiment par ses habitants est indispensable. Mais à 14, le tour de poubelle est rare. Myriam explique que chez les Voisins « on ne s’impose rien, on n’est pas une communauté. Chacun vit sa vie. La vie personnelle à beaucoup de place ici, mais on se rajoute de petites choses ensemble une fois par mois ». Pour elle, il n’y a pas de contraintes, mais plutôt des sollicitations et pour ne pas être débordé : « Il faut apprendre à dire non ».
Un habitat qui évolue
3 ans après leur installation, rue de la Bruyère à Lille, Les Voisins ont évolué. Certains sont partis. D’autres ont vu leur famille s’agrandir, c’est le cas de Myriam qui a aujourd’hui un garçon, Nils. Il grandit dans l’univers des Voisins Du Quai. D’après Myriam « Il croit encore que la vie se passe comme ça, que tout le monde partage les voitures, les cuisines, les repas, les apéros, que l’on peut sortir de chez soi et rentrer chez les voisins sans frapper ». Comme le fait François Xavier Ollivry en rentrant dans l’appartement quelques minutes plus tard. Dans ses bras se trouve Camille. A 6 ans, il est le dernier Voisin.
C'est un projet de société magnifique
Depuis le début, les habitants ont une volonté de mixité dans leur petit groupe. Le but est d’avoir plusieurs générations afin qu’ils ne vieillissent pas tous en même temps. Cette mixité a des avantages. Myriam pensait que cette variété d’âges permettrait aux jeunes d’aider les plus vieux et inversement. Finalement, elle revient sur sa vision : « dans les faits, je trouve qu’on s’entraide plus entre générations, c’est-à-dire que les familles aident les familles ». Pour Myriam, cette dynamique est bénéfique pour les retraités seuls qui peuvent lutter contre l’isolement en partageant des loisirs avec ses voisins plus âgés. Chez Les Voisins du Quai, ils partent même en vacances ensemble. Sophie, retraitée, insiste sur l’avantage de cette mixité pendant cette période de Covid-19 : « On avait très peur de la pandémie, du virus et c’est vrai que ce sont les jeunes qui ont fait les courses pour tout le monde et les vieux notamment ».
L’habitat participatif a aussi un aspect social très important. Une de leur originalité, pour Myriam, c’est de vouloir faire de l’inclusif : « On a construit un logement de solidarité » qui peut accueillir une personne en situation de fragilité ou de handicap. Kevin, un jeune homme de 28 ans « avec qui ça se passe très bien », en est le locataire.
« Une personne égale une voix. »
Chez Les Voisins du Quai, la prise de décision s’effectue ensemble. Elle repose sur le principe « une personne égale une voix ». Pour Myriam, ce fonctionnement est essentiel, « c’est un projet de société magnifique ». Pour qu’une décision soit prise, il ne faut aucun non ; « Tu sais que tu as le pouvoir de dire non et ton non à un pouvoir énorme » poursuit elle. Pourtant, il ne faut pas en abuser sinon les projets de groupe n’évoluent pas. L’autre Voisine, Sophie, est réaliste. Pour elle, on ne peut pas toujours être d’accord. Au commencement du projet, ils ont reçu une formation concernant la prise de décision. Elle leur a appris à faire la part des choses. Si un Voisin n’est pas d’accord, mais qu’il peut vivre avec la décision, il est inutile de dire non et de bloquer le projet.
Aujourd’hui, à cause des désaccords, Myriam se rend compte que « la dynamique du groupe s’épuise du fait que l’on ne s’est pas senti entendu à un moment donné ». Pour François-Xavier, c’est simple « on a des problèmes mais on trouve des solutions et on avance ensemble ». Pour pallier cet essoufflement, les Voisins ont fait appel à un professionnel pour les remobiliser.
L’habitat participatif a des avantages et des inconvénients. « J’aimerais que ça se diffuse et que ça se démocratise » Myriam insiste sur le fait que tout le monde est fait pour cette vie ensemble. François-Xavier prend l’exemple du Danemark, où les co-habitats se côtoient depuis 30 ans : « C’est une manière différente de voir les choses ». Pour les propriétaires des bâtiments, ce type d’habitat peut aussi être un bon investissement. Selon lui, le risque de dégradations est moins important hors des appartements, car ce sont des espaces partagés.
Elisa DESPRETZ
Pour aller plus loin :
Habitat participatif : un cadre juridique pour habiter autrement - Ministère de la transition écologique
Les dernières annonces de groupes cherchant des habitant - Habitat Participatif France
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